1er Avril 1945 - (Jour de Pacques) – Regroupement de nos éléments à Pac Bo – Je suis accueilli à 8h00 par le Capitaine Baudenon, toujours aussi calme et souriant, qui m’annonce triomphalement que la bagarre de cette nuit lui a rapporté le casse-croûte de l’E.M. du Bataillon qui s’est disloqué dès les premiers coup de feu, en abandonnant même sur le terrain des mitraillettes et un poste radio : c’est l’inconvénient des coolies.
2 Avril 1945 - Suite à l’accrochage d’hier qui a fait repérer définitivement notre emplacement par les Japonais, nouveau mouvement du P.C. cette fois ci vers le N.O. Les différentes sections doivent interdire aux Japs différentes pistes pendant le passage du convoi de coolies – Je dois surveiller la piste de Soc Giang à Tra Linh au delà de Nam Nhung – Départ de Pac Bo à 5h – Mon installation est faite à 9h00, à 4 Km de N. Nhung – R.A.S jusqu’à 13h00 où je reçois l’ordre du Capitaine Fraiche de rejoindre Nam Nhung – Après avoir fait 1 Km environ, je tombe dans une embuscade de pirates chinois dont l’un me crie en français « Rendez nous nos armes » ; comme il ne peut en être évidemment question, le combat s’engage – Nos éclaireurs étant passés sans être inquiétés, mon 1er groupe que les pirates serrent de près est en mauvaise situation – Je me porte à sa hauteur avec mes autres éléments et suis blessé d’une rafale de mitraillette à ce moment – Devant notre riposte décidée, les pirates d’ailleurs n’insistent pas et se replient en tiraillant – Je garde toute ma connaissance mais perdant beaucoup de sang, je suis obligé de me faire porter dans une couverture – Arrivée au Blockhaus de Nam Nhung à 16h00 – Personne – J’apprends par la suite que le Capitaine Fraiche s’y trouvait à 14h00 et en est parti quand il a appris par un homme qu’il envoyait me porter un pli que l’on entendait des coups de feu dans la direction où je me trouvais – A un sous officier qui lui faisait la remarque qu’il serait peut être utile d’envoyer une section en renfort sur moi, il aurait répondu : « le Lieutenant Goupil sait ce qu’il a à faire » -
Je connais heureusement le nouveau dispositif approximatif des unités et arrive à 18h dans le village où je retrouve Mac Carthy – A 18h30, nous entendons une vive fusillade - C’est le détachement du docteur qui est accroché lui aussi avec des pirates. Arrivée à la nuit du Médecin Capitaine Laurent – Mes deux tirailleurs blessés en même temps que moi le sont légèrement -
3 Avril 1945 - Transport à Ang Po, à 12 Km de là, où se trouve le P.C. du Bataillon -
4 - 15 Avril 1945 - Position allongée dans une case Thô sur un bat flanc – Mes blessures ne sont pas douloureuses quand je ne bouge pas – Impossible de dormir même la nuit. Pas de fièvre – De l’appétit – Le temps passe avec une lenteur désespérante – Visite journalière du Toubib et des camarades du P.C. surtout Langlois qui en tant que chef de poste et délégué administratif de Soc Giang reste aider le Cdt et ne peut faire les opérations.
Les accrochages avec les révolutionnaires annamites se font de plus en plus nombreux : la section de Guignard, qui opère vers le Deo Ma Phuc, disparaît entièrement vers le 10 avril : on n’en aura plus jamais de nouvelles – Le Sergent chef Martin en mission de renseignements sur Nuoc Haï avec un inspecteur de la sûreté « disparaît » également à la même époque – Vers le 12 Avril, la Compagnie du Capitaine Fraiche est attaquée ouvertement par des rebelles – Les chefs rebelles interrogés ultérieurement déclarent cyniquement qu’il devait s’agir de « faux rebelles »... Cette situation [ ], dans cette région où tout le monde est armé, engendre une nervosité extraordinaire – Heureusement la radio donne de bonnes nouvelles de la situation en Europe.
15 Avril 1945 - J’attends depuis plusieurs jours mon évacuation sur l’hôpital de Tsin Tsi, avec une impatience croissante, car le confort de ma case est des plus sommaires – Les négociations avec les chinois sont enfin terminées ; je suis le seul blessé grave pour l’instant et quitte Ang Po en brancard avec le Capitaine Lauret et 1 groupe d’escorte – Arrivée au Blockhaus chinois de Nalan, sur la frontière à 19h00 – Pentes très raides – Nous y trouvons le Caporal Chef Sinibaldi, ex chef du groupe franc de Po Peo (secteur de T.K.P.) venant de Tsin Tsi et qui doit m’y ramener –