5 Novembre 1945 - Repos bien gagné et apprécié – Piscine – Achats au marché et sur Mount Road, l’artère principale – Le consul de France (représentant des Messageries Maritimes) nous donne quelques précisions sur notre situation ici – Outre les « cinq villes », la France possède également 2 loges à Calcutta et Negapatam, de dimensions restreintes (3 à 4 fois la superficie d’un terrain de football), survivances historiques sans intérêt actuellement – La France y entretient un gendarme doté d’un drapeau en zinc – Chacune de ces loges a un marché, fréquenté parce qu’exempte de droits de douanes - Mauvaise mentalité à Pondichéry où les dernières élections ont été complètement truquées par les communistes qui ont terrorisé le gouverneur - Le consul nous apprend également que la France vient d’accorder une indépendance presque complète au Cambodge qui ne conservera que quelques conseillers français du roi et des officiers pour instruire l’armée - Départ de Madras à 20h30 -
6 Novembre 1945 - Réveil à 7h00 à Trichinapoly – Breakfast gratuit et copieux offert par la cantine militaire à tous les passagers – Une heureuse innovation des chemins de fer hindous est d’avoir, sur chaque convoi militaire, un wagon destiné à faire du thé au lait : distribution gratuite à chaque arrêt et dans l’ordre le plus parfait - Région toujours pauvre, sèche et plate – Courte brousse améliorée à l’approche de la mer par de nombreux cocotiers – 10h30 : Ramhand - 13h00 longue station à Madapam Camp : formalités administratives et médicales pour le passage à Ceylan - 16h à 19h00 : passage du golfe de Manaar, sur l’Irwin – mer très calme – coucher de soleil sur les Indes – Arrivée à la nuit à Ceylan ; nous quittons Manaar à 22h00 – Avec Gaydon, nous trouvons des couchettes fort confortables -
7 Novembre 1945 - 6h : arrêt à Maho, gare de jonction pour Trincomalee – Station au bungalow – Les autres camarades qui n’ont pu fermer l’œil de la nuit ne trouvent rien de « féerique » à Ceylan pour l’instant - Départ de Maho à 10h00 – Traversée de la zone N.O de l’ile : région boisée, très sauvage, mais d’aspect peu colonial – quelques éléphants sauvages – Le paysage ne devient vraiment joli qu’à une quinzaine de miles de la côte : China bay, base navale et aérienne importante – Montagnes boisées plongeant directement dans la mer bleue – Arrivée à Trincomalee à 18h00 et au camp français de Nilaveli, à 18 Km, à 20 heures -
8 Novembre 1945 - Nous campons au beau milieu d’un paysage colonial classique : du sable, des cocotiers, une mer très bleue légèrement agitée – Les cases (construction légère sur radier de ciment – Toit en paillote) sont agréablement dispersées – Celles des officiers bordent directement la plage – Quantité de rats palmistes- L’unité que nous retrouvons ici est le 2e commando léger du 5e R.I.C. en cours de formation (le 1er Bataillon du Régiment, le CLI, est déjà en Indochine) – Le gros du commando est arrivé à Ceylan, venant de France, il y a seulement une quinzaine de jours – Bonne ambiance car tout le personnel est volontaire – Les hommes sont jeunes (classes 42 à 46 en moyenne), peu militaire quoique tous aient plus ou moins combattu dans le maquis , mais plein de bonne volonté, heureux surtout d’être sortis de l’atmosphère déprimante des camps de Fréjus où ils ont traîné pendant plusieurs mois dans une inaction presque absolue – Je suis affecté au 4e commando : Capitaine Deschaintres - S/Lt De Cassagnac - Aspirant Carro –
9 – 16 Novembre 1945 - Instruction coupée par des baignades fort sympathiques – Mise sur pied du commando qui doit, en principe embarquer pour Saigon le 19 novembre, sur la « ville de Strasbourg » - Nous sommes équipés et armés par les anglais – L’équipement prévu, beaucoup trop complet et trop lourd, ne me paraît nullement adapté à la vie de brousse qui nous attend probablement, et qui nécessitera une grande mobilité - Nouvelles d’Indochine toujours peu précises : combats franco annamites assez sérieux au N.O de Saigon, avec emploi d’artillerie de part et d’autre – Escarmouches sino-annamites au Tonkin - Une lettre de Leguen, actuellement dans la citadelle d’Hanoï, se plaint amèrement de l’attitude de certains annamites à notre égard – Grosse propagande antifrançaise par voie d’affiches dans Hanoï – Comme prévu, les Japonais, soutenus par les nationalistes annamites, tiennent solidement les provinces de Hoa Binh et de Thaï Nguyen -